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Pourquoi parler fait du bien?

"Dans le travail d'accompagnement thérapeutique, que l'on peut voir peut-être comme une tentative de résolution du conflit qui intervient entre le conscient et l'inconscient, c'est cette parole que l'on cherche ensemble, pas pour la parole en soi bien sûr, mais pour la conscience qu'elle libère." -  Extrait de "Cessez d'être gentil, soyez vrai!" de Thomas d'Ansembourg.

Boris Cyrulnik, psychiatre français, rapporte dans son livre "De chair et d'âme", la démonstration de l'effet biologique de la parole.

"L'effet affectif de la parole, en entraînant des émotions de chagrin, de joie, de surprise ou d'apaisement, induit lui aussi des modifications biologiques. Trente patients ont subi une IRM au cours de leur dépression, et un contrôle après une année d'évolution. Au moment de la dépression il n'y avait pas de différence entre les hippocampes des personnes souffrantes et un groupe témoin de trente personnes heureuses. En revanche, "un an plus tard, ceux qui souffraient encore avaient une réduction significative des cellules de leur hippocampe*", alors que ceux qui avait parlé et parfois pris des médicaments ne révélaient pas d'atrophie. L'interprétation biologique et psychologique de ces images est aujourd'hui possible: ceux qui ont souffert sans pouvoir maîtriser leurs émotions ont sécrété trop de cortisol de manière chronique. Les parois des cellules hippocampiques, très sensibles à cette substance, sont devenues oedématisées. Les canaux dilatés de la paroi ont laissé entrer trop de calcium qui, en inversant le gradient ionique, a gonflé les cellules jusqu'à l'explosion. A l'opposé, ceux qui ont maîtrisé l'émotion avec l'aide d'un psychothérapeute ou d'un médicament, en faisant des récits et des théories pour tenter d'analyser les raisons de leur souffrance, sans ruminer, c'est à dire en prenant une distance et en établissant une relation affective avec un autre, ont appris à maîtriser leur malaise, peu à peu, mot à mot, affect après affect, molécule après molécule, ce qui a diminué leur taux de cortisol et évité de faire exploser les cellules de l'hippocampe. 

Tout ce qui peut vaincre la biologie de la souffrance provoquée par une perception ou une représentation apaise les patients et agit sur leur déficit en BDNF (brain derived neurotrophic factor = substance qui nourrit les cellules du cerveau)**. L'atrophie est donc réversible puisqu'en agissant en n'importe quel point du système relationnel, sur la cellule nerveuse, sur la manière "de voir les choses", ou sur l'entourage, on relance la sécrétion de ce facteur nourricier du cerveau. Quand la narration redonne cohérence au monde bouleversé, quand la relation instaure un lien sécurisant, la synaptisation est relancée.

L'effet magique de la parole s'explique par la biologie!"

* Frool T., Meisenzahl E.M., Zetzche T., "Hippocampal and amygdalo changes in patients with major depressive disorder and healthy control during a 1-year follow up", Journal Clinical Psychiatry, 65, 2004, p 492-499.

** J-P. Olié, "De la neuroplasticité à la clinique de la dépression", Culture Psy-Neurosciences, n°1, 2005.

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