L'urgence de se connecter...

... à SOI !

24 Mai 2020

Je ne suis pas une experte en Intelligence Artificielle ou en informatique, j’ai juste visionné deux documentaires : « iHuman - L'intelligence artificielle et nous » et « La Fabrique du cerveau », lesquels ont éveillé en moi beaucoup de réflexions. Si je reconnais mes lacunes en IA, je revendique par ailleurs mes connaissances sur les fondements des comportements et des processus mentaux humains. C’est à ce titre que je souhaite partager ma réflexion au sujet des effets dangereux voire délétères sur l’Homme de l’accélération technologique et de l’hyper-connectivité qui jonchent notre société : objets connectés (smartphone, frigo, appareils ménagers, voiture…) , géolocalisation à gogo, dématérialisation des démarches et des échanges…

Toutes ces technologies nous sont présentées depuis plus de 20 ans comme des progrès magnifiques pour nous faciliter la vie…

Mais plus on lui facilite la vie, moins l’Homme en fait et plus il devient handicapé et impotent… Ces technologies dites « facilitatrices » nous infantilisent surtout et finalement, elles nous font régresser chaque année un peu plus. Nous ne retenons plus les numéros de téléphone, nous sommes pratiquement incapables d’aller dans un lieu inconnu en nous dirigeant simplement avec une carte routière. Pour preuve, notre humanité perd des points de QI depuis les années 1970. « Selon une étude publiée en 2013 dans la revue scientifique Intelligence, c'est chez les Britanniques que le phénomène est le plus flagrant. On observe en effet une chute de 14 points entre 1999 et 2013, avec un score moyen de 100. En France, le phénomène est moins alarmant mais tout aussi réel. On y note en effet un recul de près de 4 points, depuis le début des années 2000, avec un score moyen de 98. La même tendance s'observe en Australie, aux Pays-Bas, au Danemark, en Norvège et en Suisse... » alertent Diane Mellot et Christophe Magdelaine sur le site notre-planete.info.

Philippe Guillemant, Ingénieur de Recherche Hors Classe au CNRS confirme : « Autrement dit, nous allons tous être considérés en quelque sorte comme des handicapés ayant besoin d'être entourés par des objets qui vont exprimer leur "amour" pour nous, en nous rendant un tas de services. Décodage: on va ainsi pouvoir augmenter les problèmes de paperasse virtuelle ou non qui nous seront imposés (réglementations, autorisations, normes à satisfaire...) sachant que nous serons censés bénéficier d'objets chéris qui nous aident à les régler. Ce sera comme pour les mobiles qui se sont déjà imposés à toute la population. » 

Toutes ces technologies présentées comme sensées nous faciliter la vie servent d’abord la cause qui vise à nous faire subir davantage d’obligations et de contraintes et à nous en demander plus. L’apparition des burn-out depuis un peu plus d’une décennie et autres notions de surcharge mentale vont de pair avec ces prétendues avancées technologiques. Depuis 2008, « les affections psychiatriques sont la première cause d'invalidité en France avec 28%, c'est également la cas des principaux pays de l'OCDE. (…) En France, parmi les affections psychiatriques, les troubles dépressifs, réactionnels et névrotiques représentent la première cause de mise en invalidité : 12 902 personnes, soit 17,4% de l’effectif total. »  Source: l'Assurance Maladie.

Se mettre en marge du mouvement et ne pas suivre son accélération restent souvent difficiles et marginalise : j’en veux pour preuve les yeux de ma boulangère quand je lui dis que je n’ai pas le « sans contact » sur ma carte bleue.

Mais ne nous y trompons pas : l’utilisation systématique, automatique et à outrance dans nos vies des technologies « facilitatrices » et connectées nuit intrinsèquement à notre Humanitude. Elles nous éloignent plus qu’elles ne nous relient. Elles nous infantilisent plus qu’elles ne nous font grandir. Elles ont tendance à hyper-rationaliser nos comportements. Nous n’avons jamais été autant en retard que depuis que nous avons des GPS ! Avec toutes ces technologies merveilleuses, nous nous faisons enjôler par l’illusion que nous sommes en capacité d’optimiser le temps de notre journée, voire même d’étirer le temps pour certains, et par conséquent d'avoir la capacité de faire plus de choses et d’être plus performant, plus productif...

Bilan : les journées durent toujours 24 heures, le flux neuronal circule toujours à 300 km/h (environ 80 m/s) dans notre cerveau, mais en prime, notre temps de sommeil ne cesse de diminuer au point que les Français dorment, en 2019, moins de 7 heures par nuit (durée minimale recommandée pour une bonne récupération).

Bref, pour la plupart d’entre nous, nous récoltons plus de fatiguesurcharge mentale et de retards en cascades que de véritables conforts et avancées.

Cette hyper-connectivité semble surtout nous faire agir comme des robots. Les robots obéissent à des programmes, à des conditionnements, ne sont pas dotés d’un esprit critique et ne ressentent pas d’émotions. Nous arrivons à un moment charnière où l’IA et les robots prennent davantage l’apparence humaine (robots créés par les Laboratoires japonais Hiroshi Ishiguro), et en parallèle, les Hommes agissent de plus en plus comme des robots (taylorisation de l’hôpital, de l’école)… Comme le conclut "La Fabrique du cerveau": "Un mouvement d'envergure est pourtant bien lancé. D'un côté, l'évolution des technologies font progresser les recherches sur le cerveau; de l'autre, elle permet la création de robots qui nous ressemblent." Évoluerions-nous vers une nouvelle espèce, le transhumanisme comme le décrit Luc Ferry dans son livre « La Révolution Transhumaniste » ? Pour les transhumanistes, le but avoué est d’atteindre l’immortalité… La vie aurait-elle un sens sans la mort? 

Je crois qui si hyper-connexion il doit y avoir, c’est davantage à notre âme, à notre être, à notre cœur. Je crois véritablement que cette connexion-là est à établir et à privilégier à celles à Google, Alexa ou Siri.  

L’Humain a besoin de sens (direction et signification). Les dépressions, burn-outsurcharges mentales et autres déficits de l'Estime de Soi sont les symptômes psychiques d’une société malade parce qu’en perte de sens. 

Les médicaments calment la souffrance engendrée par le questionnement existentiel non rassasié, mais n’y répond pas. Si la chimie apparaît comme une solution facile et rapide, ce n’est qu’une illusion de solution qui masque ou gomme le symptôme, ne soigne rien et renforce la dépendance à la technologie.

L’IA fonctionne par algorithmes. Plus nous lui laisserons prendre de la place dans nos vies, plus nous lui dévoilerons notre intimité (on peut mentir à sa femme, à son boss, à son psy mais on dit tout à Google !), bref plus nous la nourrirons, plus elle prendra de la force et du pouvoir. Le risque est d'obtenir une société qui standardise et codifie nos comportements et notre pensée. Ce qui est à craindre c’est une normalisation des comportements et des solutions, une forme de panurgisme, qui ne permettraient plus la créativité, la singularité, l'originalité, l’innovation et qui entraveraient la liberté d’être et de penser. Des comportements pourront être décrétés recevables, d’autres déviants, simplement par comparaison statistique aux millions d’autres dans une situation équivalente. Un panel de réponses sera accepté (pour ne pas dire "autorisé") à une situation donnée. Les réponses originales, hors du panel, seront rejetées. Bref, nous devrons rentrer dans les cases. Le crédit social opérant en Chine actuellement en est une première démonstration.

Il est vraiment urgent de se connecter… à Soi.