Phobie et phobie

Dis-moi de quoi tu as peur et je te dirai qui tu es...?

19 Juin 2021

On a l’habitude d’utiliser le terme « phobie » pour parler des peurs irrationnelles et incontrôlables. Mais il y a phobie et phobie

Il y a d’abord les phobies simples. C’est une peur qui prend sa racine dans un traumatisme et qui constitue une forme d’évitement. Par exemple, la phobie de prendre l’avion peut être la conséquence d’un vol qui s’est mal déroulé et au cours duquel le sujet a eu très peur et a cru mourir… La phobie de l’avion qui en découle est simplement un évitement de l’avion de sorte à ne pas revivre une situation équivalente et rester en vie. De la même manière, la phobie des chiens est conséquente à la morsure d’un chien ou simplement à la rencontre d’un chien menaçant qui nous a fait très peur

Dans tous ces cas, on constate que l’apparition de la phobie fait clairement écho à une situation traumatisante. Dans le cas de ces phobies simples, on peut les assouplir en allant travailler avec l’EMDR sur l’événement traumatisant.

Parfois, il existe des phobies simples dont nous n’avons pas le souvenir de l’événement racine : cas des amnésies traumatiques ou des expériences de vie précoce dont nous n'avons pas de souvenir (avant 4 ans). Je me souviens de l’histoire d’une jeune femme (d’origine indienne et qui a été adoptée) qui avait la phobie de l’eau au point de ne pas supporter prendre des douches. Elle n’avait strictement aucun souvenir d’expérience douloureuse avec l’eau et dans ses souvenirs sa relation à l’eau a toujours été extrêmement difficile. Elle a appris quelques années plus tard, lors de recherche sur ses origines, que sa maman biologique avait voulu la noyer à sa naissance et qu’elle avait été sauvée in extrémis avant d’être proposée à l’adoption…

Concernant la phobie de l'eau, il est important de considérer que nous venons tous de cet élément, dans le ventre de notre mère, et que les conditions de notre naissance peuvent nous avoir traumatisés. Nous ne gardons aucun souvenir conscient évidemment, mais notre corps, nos organes se souviennent de cette expérience si elle a été éprouvante (accouchement long, cordon autour du cou, césarienne...).

Mais parfois, il n’y a définitivement pas d’événement malheureux à la racine de la peur irrationnelle. Dans ce cas, il s’agit de phobies dites complexes. Le sujet va choisir un objet de substitution pour projeter dessus toutes les émotions désagréables associées à un événement qu’il couvre.

Prenons le cas de Paule. Paule est une femme de 60 ans, pétillante, qui mène brillamment sa vie, relève des challenges professionnels et a su faire face seule à l’adversité de certaines situations personnelles périlleuses. Par contre, dès qu’elle voit une araignée, il n’y a plus personne, elle perd son sang-froid. Elle hurle, transpire, crispe la mâchoire, pleure, et n’a qu’une envie : tuer l'araignée ! « C’est insupportable, les araignées n’ont pas leur place à l’intérieur des maisons ! Avec toutes leurs pattes, elles sont horribles, elles filent partout, elles sont incontrôlables. ». D’autant qu’elle se souvienne, elle n’a vécu aucune expérience dramatique avec les araignées, mais depuis l’enfance, elle les déteste. Dans ce cas précis, si l’EMDR ne permettra pas directement d’assouplir la phobie, il permettra de comprendre à quoi/qui Paule a substitué les araignées. Après deux séances de fortes émotions face aux images d’araignées, nous comprendrons qu’elle associe le comportement, les caractéristiques des araignées et son ressentiment à leurs sujets à sa sœur ainée qui, durant toute l’enfance, l’a malmenée, humiliée, minimisée, contrainte, utilisée et prise de sa toile en quelques sortes. Jamais Paule ne s’est ouvertement plainte de sa sœur, convaincue du droit d’ainesse de sa grande sœur. Elle a ravalé sa colère, sa frustration, son dégoût, envers sa sœur pour les projeter sur les araignées. C’est socialement et moralement plus acceptable de détester et vouloir faire sortir et tuer les araignées que sa propre sœur ! Dans ce cas précis, la phobie des araignées est un moyen de substitution pour masquer le conflit originel à la sœur ainée. Il s’agira, une fois le mécanisme mis en évidence, d’aller regarder objectivement la réalité de la relation à la sœur, tarir les émotions associées pour guérir les blessures de l’enfance et réhabiliter la petite fille bafouée qu’était Paule.

De manière générale mais non systématique, la phobie des araignées renvoie à une relation aliénante, envahissante (dans la toile de qui étais-je empêtré ?), la phobie des souris renvoie parfois à des situations d’abus sexuels non dénoncées (dont le sujet a été témoin ou victime), la peur du vide renvoie au vide affectif, au manque d’amour ; la peur des ascenseurs, la claustrophobie renvoient à l’étouffement d’un parent trop possessif… 

Une fois de plus, pas de raccourcis, il n’y a rien de systématique et un travail de recherche et de clarification avec un professionnel s’impose à chaque cas.