Œdipe toi-même!

Qu'est ce que le complexe d’Œdipe?

21 Décembre 2016

A son plus jeune âge, l’enfant ne connait que 2 modèles. Un modèle masculin : son père, et un modèle féminin : sa mère. Evidemment, je considère ici la famille traditionnelle. Dans le cas de famille monoparentale ou homoparentale, l’enfant ira chercher dans l’environnement proche le modèle manquant (un grand-père, un oncle, une marraine, une amie proche…). 

Vers 2 ans, l’enfant prend conscience de la différence de sexe. Il va donc petit à petit s’identifier au modèle qui lui ressemble qu’il connait : son père pour un garçon, sa mère pour une fille. Parallèlement, vers 3 ans, il développe un amour quasi exclusif pour le parent du sexe opposé. Ce sentiment amoureux va être accompagné d’une hostilité marquée vis à vis de parent du même sexe. Ainsi une petite fille va adorer son papa, chercher des moments privilégiés avec lui, et pourra avoir des sentiments de rejet vis-à-vis de sa mère. En effet, la mère apparaît à ses yeux de petite fille comme une rivale, un obstacle dans son histoire d’amour avec son père. La petite fille ne sait pas encore qu’il existe plusieurs types d’amour (l’amour filial platonique est différent de l’amour entre les membres d’un couple). 

L’enfant développe donc des pulsions d’exclusivité vers le parent de sexe opposé, et d’hostilité ouverte envers le parent du même sexe : C’est cela le complexe d’Œdipe

Lors de cette période, le rôle des parents est de présenter symboliquement l’interdit de l’incestemaman est déjà l'amoureuse de papa et une maman ne peut pas se marier avec son fils, tu dois te trouver une amoureuse à toi ») et de faire comprendre doucement à l’enfant (c'est à dire sans qu'il se sente carrément rejeté) qu’il devra, quand il sera prêt, trouver  son amour à l’extérieur du foyer. Ces réactions parentales sont les piliers d’un développement psychique sain pour l’enfant. Si les parents ne fixent pas ces règles et ces limites, l’enfant pourra développer le sentiment que son désir est maître. Au lieu de le refouler et de se construire, il se construira sans limites sur ses désirs, ce qui risque de devenir pathologique...

Néanmoins à 5 ans, l’enfant est tiraillé entre :

- la loyauté qu’il ressent devoir à ses parents desquels il est dépendant

- l’angoisse qu’il puisse être abandonné, rejeté s’il désobéit,

- et la culpabilité d’avoir des sentiments pour une personne hors du foyer… 

Tout cela est compliqué à gérer pour lui d’autant qu’il se sent extrêmement vulnérable et dépendant de ses parents.

Entre 8 et 10 ans, tout cela se calme. On parle d’une période de latence.

Mais à partir de 11 ou 12 ans, ce complexe d’Œdipe revient avec force.

La crise d’adolescence est sensée en venir à bout et dissoudre ce complexe.

La crise d’adolescence est une construction narcissique de l’enfant qui devient un adulte. Pour cela, il va devoir se recomposer psychiquement dans son individualité en se désidentifiant des idées et des valeurs parentales. C’est pour cela que l’ado est en général braqué contre ses parents. Il rejette les modèles parentaux pour créer sa propre version de lui-même.

La crise d’adolescence se déroule en 3 temps :

- La désidentification aux modèles parentaux : il s’agit de la poussée de son principe d’individuation, indépendant de sa volonté, pour devenir un être singulier ayant ses propres valeurs, convictions, aspirations, limites... Ce travail s’amorce à la crise d’adolescence mais constitue le travail de toute notre vie, la vie étant une succession d’identification et de désidentification… Mais c’est un autre sujet…

- La restructuration de sa psyché : Après avoir remis en question et parfois cassé le socle éducationnel, culturel, cultuel et social proposé par les parents, il va restructurer sa psyché en retenant uniquement les fragments qui l’intéressent ici et là. Il va créer son propre socle en reprenant éventuellement des morceaux proposés par les parents, mais aussi ceux proposés par les rencontres et expériences extérieures (profs, personnages publics, parents d’amis…)

- Le dénouement de l’Œdipe arrive quand le jeune adulte comprend et admet que ses parents ne l’aiment pas et ne l’aimeront jamais comme il aurait souhaité être aimé, mais qu’ils l’aiment quand même, d’un autre amour. C’est en comprenant et en admettant cela que le jeune adulte s’autorise enfin à aller à l’extérieur chercher d’autres types d’amour conformes à ses aspirations et non plus un « amour comme celui que lui portait papa ou maman ».

Théoriquement, le dénouement de l’Œdipe peut avoir lieu à partir de 17 ou 18 ans… Mais force est de constater que le dénouement de l’Œdipe est une chose difficile et incontrôlable qui est souvent le travail de toute une vie... pour ceux qui parviennent à le dissoudre! Assouplir notre complexe d’Œdipe est déjà une victoire ! La souplesse ou rigidité de notre complexe d’Œdipe conditionne en partie le choix de nos compagnons amoureux. Tant que nous n’avons pas accepté de remettre nos parents à leurs places, comme des humains faillibles, nous ne nous permettrons jamais vraiment d’aller en quête d’un amour plus personnel. Au contraire, nous nous efforcerons inconsciemment à rechercher systématiquement un compagnon qui, par ses attitudes, nous aimera comme notre parent du sexe opposé. De cette manière, nous rejouons l’enfance avec l’espoir inconscient et secret qu’il puisse nous aimer comme on voudrait être aimé. Ce qui est bien évidemment, souvent voué à l’échec…