Le sentiment d'impuissance
Rien de sexuel là-dedans!
La puissance définit notre capacité à agir, à influer sur le réel, à modifier ce qui nous entoure ou ce qui est en nous. L’impuissance nous fait vivre et éprouver l’inverse : sentir à tort ou à raison, que nous ne pouvons rien changer, que nous n’avons aucun bras de levier pour modifier la trajectoire des choses en soi ou dans notre environnement.
Les situations qui engendrent le sentiment d’impuissance sont multiples. Certaines sont anodines en lien avec l’épuisement d’accomplir des actes simples de chaque jour, sans y trouver de satisfaction. D’autres sont plus dramatiques et s’inscrivent dans l’histoire individuelle du sujet, comme faire face à la souffrance d’un proche dans la maladie sans pouvoir y faire quelque chose, être témoin passif d’injustice, observer la misère du monde, la corruption…
L’expérience de l’impuissance est souvent extrêmement douloureuse car elle vient en conflit avec notre désir d’aider l’autre, de contribuer à un monde plus juste.
Toutefois l’expérience de l’impuissance n’est pas uniquement douloureuse, elle est aussi dangereuse. En psychologie on définit « le sentiment d’impuissance apprise » : une personne en situation d’échecs répétés va finir par renoncer à entreprendre quoique ce soit, elle ne fera plus d’effort pour relever des challenges ou même faire des tâches banales dans ses compétences, comme si la répétition des échecs lui avait « appris » qu’il n’y avait plus rien à faire, que toute entreprise était vaine, vouée à l’échec. Ce sentiment d’impuissance débouche souvent sur un comportement d’impuissance et une résignation face à tous les challenges et/ou obstacles de la vie.
Pour éviter d’en arriver là, c’est-à-dire la sclérose du sentiment d’impuissance, il est important d’examiner les situations qui y sont à la racine et de traverser les émotions et les pensées éprouvantes qui y sont associées. Il s’agit souvent d’un mille-feuilles de situations qu’il est nécessaire de démonter, observer, et commenter couche par couche. Revenir sur chaque situation et accepter le sentiment d’impuissance compte tenu du contexte de la situation. Par exemple, accepter d’avoir échouer à un entretien d’embauche… parce que je n’étais pas correctement préparé. Accepter ce n’est pas renoncer, c’est reconnaitre que c’est ainsi et ne plus y faire résistance.
La racine de la souffrance est souvent située dans l’attente d’une solution idéale, voire « magique » : je voudrais que la personne que j’aime guérisse grâce à l'intensité de mon amour pour elle… mais ça ne fonctionne pas ; je voudrais obtenir ce job pour satisfaire l’attente de mon épouse et apaiser son anxiété… mais ça ne fonctionne pas. Ces idéaux ont plus tendance à me plomber que me faire grandir car ils sont irréalistes compte tenu de mes compétences, habilités, possibilités, envies... Un idéal impossible entrave toutes les actions possibles et plombe à coup sûr la confiance et l’estime de soi : si la première marche est trop haute, je ne pourrai jamais franchir les suivantes.
La solution consiste à accomplir des actes qui ne soient pas des actes idéaux mais des actes réalistes, autrement dit baisser la hauteur de la première marche. Si je ne peux pas guérir avec mon amour la personne que j’aime, je peux simplement rester à ses côtés et lui offrir du réconfort et du soutien inconditionnels, je suis impuissant face à sa maladie mais présent pour l’accompagner dans ce qu’elle traverse, c’est-à-dire le contraire d’absent, fuyant, rejetant, distant, déniant, minimisant.
De mon mieux et attentif à mes limites, je choisis de poser des actions de plus basses ambitions, des gestes simples en adéquation avec mes possibilités du moment… Ce moment-là est sans doute le plus difficile car c’est le moment où j’accepte de m’observer et m’accueillir dans ce que je suis réellement, dans mes capacités d’être-humain faillible, vulnérable et imparfait, et je lâche toutes les grandes ambitions et idéaux impossibles : je reviens à mon humanitude. Si je renonce aux grandes actions, n’empêche que je fais de mon mieux dans toutes les plus modestes actions à ma portée.
Ces petits actes seront les graines de grandes choses. Nous-autres êtres-humains avons juste à semer les graines et arroser, la Vie se charge souvent du reste… Non ?
Source : Christophe André : le sentiment d’impuissance: https://www.youtube.com/watch?v=qmSN9AWT9Xc