L'hyper-maturité

Chance ou souffrance?

09 Août 2018

Doit-on se réjouir de la maturité précoce d’un enfant ?

On imagine souvent qu’un enfant mature est une satisfaction, une garantie de sa réussite ou au moins celle d’éviter qu’il échoue. Si la reconnaissance de l’hyper-maturité d’un enfant rassure parfois et flatte souvent ses parents, c’est sans doute parce qu’ils ne soupçonnent pas la souffrance qu’elle peut engendrer chez l’enfant.

Les enfants ont des droits fondamentaux comme celui d’être nourris, vêtus, abrités, et protégés. Ils ont aussi le droit d’être nourris émotionnellement, d’être respectés dans leurs sentiments et d’être accompagnés de façon à pouvoir forger leur propre sens des valeurs. Les enfants ont également le droit d’être étayés par les règles convenant à leur conduite, et surtout ils ont le droit de faire des erreurs et des bêtises. 

Finalement les enfants ont tout simplement le droit d’être des enfants…

Ils ont le droit de jouer, de rêver, d’être spontanés, insouciants et parfois irresponsables. Naturellement, au fur et à mesure que les enfants grandissent, des parents bienveillants et aimants forgeront leur maturité en leur déléguant certaines responsabilités, certaines tâches à la maison, en fonction de leur âge et jamais au détriment de leur enfance.

La relation parents – enfants  est d’abord ancrée sur la confiance et l’amour. Pour s’autoriser à être pleinement un enfant, l’enfant doit ressentir l’amour inconditionnel de ses parents et avoir parfaitement confiance en eux, les sentir présents, soutenants, encadrants et réconfortants. Or certains parents ne parviennent pas à communiquer l’amour et la confiance suffisants à leur enfant... Souvent c’est parce qu’eux-mêmes souffrent ou ont souffert d’instabilité émotionnelle ou de désordre moral. 

C’est dans ce cas de figure que l’enfant va donc comprendre à ses dépens qu’il ne peut pas s’étayer sur ses parents et va chercher et trouver, dans le meilleur des cas, des modèles à l’extérieur de la cellule parentale. Il va ainsi développer une maturité précoce, celle que ces parents ne sont pas en mesure de lui offrir.

Quand un enfant se voit forcé, ou invité, ou encouragé ou simplement non-empêché de prendre des responsabilités incombant aux parents ou aux adultes, les rôles familiaux deviennent flous voire inversés. L’enfant devient un parent pour lui-même, et peut-être même un parent pour ses propres parents et-ou frères et sœurs. Il vit dans un système où il n’a pas de référence « plus compétente que lui » sur qui se reposer, ou se retourner pour apprendre et progresser

En assumant trop précocement des responsabilités qui reviennent théoriquement aux parents, l’enfant grandit trop vite et est ainsi spolié de son enfance. Il est privé d’insouciance, de légèreté, de rêve, pour tomber rapidement dans la gravité et le sens des responsabilités. L’enfant imagine et se construit sur l’idée (tout cela se joue bien souvent de manière inconsciente) que pour sauvegarder l’unité de la famille, il doit se comporter en adulte. Ses véritables besoins et envies d’enfant sont quasiment auto-bafoués. Il apprend à supporter la solitude et le manque de soutien et d’affection en contenant et niant souvent ses besoins personnels. Il est là pour s’occuper des autres, lui ne compte pas.

Confronté à des challenges qui dépassent la capacité d’un enfant, l’enfant s’épuisera à vouloir être à la hauteur. Ces enfants hyper-matures conserveront souvent dans leur vie d’adulte un sentiment de culpabilité, d’échec envers ses parents et un sens aigu des responsabilités. En effet, l’enfant s’est construit sur l’idée qu’il n’était aimé que pour ce qu’il fait, pas pour ce qu'il est. Adulte, il introjectera cette idée qui le poussera inexorablement vers le travail et une certaine dévotion…. Jusqu’à parfois l’épuisement.

Article librement inspiré du livre « Parents toxiques: comment échapper à leur emprise » de Susan Forward

Sur le même sujet :

« Parents immatures et enfants-adultes » de Gisèle Harrus-Révidi

"Enfant béquille: quand l'enfant devient le thérapeute de ses parents" par Christophe Fauré

"Parents immatures : une tragédie pour l’enfant"