Hygiène de la peur
Décryptage de la peur
La peur est une émotion. Tous les êtres vivants sont capables de peur : les humains, les animaux et même les plantes souffrent de stress…
Une peur est saine quand on la ressent alors qu’on est confronté à un danger imminent et concret. C’est naturel de ressentir de la peur quand un chien menaçant s’élance vers vous ou qu’une voiture surgit alors que vous vous engagiez à traverser la rue. Avoir peur face à un danger immédiat, concret et extérieur est un signe d’équilibre psychique et physique.
Dans ce moment-là, notre amygdale sous la direction de notre cerveau reptilien va sécréter une hormone : l’adrénaline. Grâce à la production de ce super carburant, notre rythme cardiaque accélère pour drainer davantage d’oxygène, la pression artérielle augmente et les artères se dilatent pour permettre au sang d’irriguer plus généreusement le cerveau, les poumons et les muscles. Le corps est ainsi prêt à produire un effort : une fuite ou un combat. Mais, il est également important de souligner que dans cet état, notre cerveau cognitif est complètement inhibé : on ne raisonne plus, on ne réfléchit plus. Nous sommes pilotés uniquement par notre cerveau reptilien : nous agissons comme un animal, pas de négociation possible.
Quand nous sommes confrontés à quelque chose de menaçant, concret et imminent, la peur est légitime, et elle déclenche un processus physiologique au service de la vie. D’ailleurs, depuis la nuit des temps, notre espèce a survécu grâce à cela, comme le précise Isabelle Padovani.
Il s’agit d’une peur dite reptilienne qui fait appel à un processus archaïque et salvateur que nous partageons avec les animaux. Quand cette peur opère, elle court-circuite le cerveau cognitif et elle a les tout-pouvoir.
Imaginez une minute : vous vous lancez pour traverser la route et soudain une voiture surgit à toute allure. Si votre cerveau cognitif gère la situation, il va estimer la vitesse de la voiture, en tenant compte de la nature du sol (glissant ou pas ?), de l’état des pneus, évaluez votre capacité à reculer, en tenant compte de la hauteur du trottoir et de la manière dont vous êtes chaussé… Bref, toutes ces analyses feraient perdre un temps précieux dans le contexte d’urgence et votre survie serait sérieusement menacée : vous n’auriez aucune chance ! Donc, il est prévu que le cerveau reptilien puisse utiliser son 49-3 en quelque sorte et prendre les tout-pouvoir, sans négociation, ni débat avec le cognitif, et ordonner despotiquement de vous faire reculer. Point. Et c’est parfait ainsi.
Néanmoins, un autre type de peur existe. C’est la peur induite par nos pensées, où il n’y a rien de concrètement et imminemment menaçant face à nous. Dans ces moments-là, nous ne sommes plus dans la réalité mais dans notre imagination : nous sommes capables de nous raconter une histoire qui fait peur en brodant autour de (micro)faits concrets ou du récits entendus ou lus. Le problème est que notre cerveau reptilien et archaïque ne fait pas la différence entre ce film qui se joue dans notre imagination et la réalité. Or notre projection mentale n’est pas la réalité physique. Nous sommes capables, avec nos pensées, de nous faire peur à nous-même. N’empêche que physiologiquement, le processus est le même : Le cerveau cognitif est mis hors-jeu et nous ne sommes plus en capacité de raisonner, de penser, ou de réfléchir. On n’est pas vraiment au top de notre intelligence dans ce moment-là ! On ne réfléchit plus « normalement », on manque totalement de lucidité et de discernement.
L’inconnu provoque ce genre de peur. « L’objectif de cette peur est de vous pousser à vous informer, à réfléchir, à anticiper, … à vous préparer. La peur se résout dans cette activité même. » constate Isabelle Filliozat, psychothérapeute qui travaille sur les émotions depuis plus 20 ans.
La peur, lorsqu’elle est provoquée par quelque chose qui n’existe pas concrètement est un sentiment parasite qui ne nous permet pas de vivre l’existence telle qu’elle se présente en réalité.
C’est pourquoi, il est important de faire preuve de discernement et d’identifier dans quelle situation on est réellement et objectivement, et par quelle émotion on est traversé. Sont-elles en congruence ?
Les mesures et actions préventives, de préservation, de précaution, de sécurité ne se décident pas quand on est dans l’émotion de peur. Ne dit-on pas que la peur est mauvaise conseillère ? Puisque le cerveau cognitif est court-circuité, nous ne sommes pas en mesure de prendre de décisions éclairées et intelligentes quand une partie de notre cerveau est hors-jeu !
Par ailleurs, comme décrit précédemment, la peur nous fait produire de l’adrénaline et augmenter nos constantes physiologiques : c’est tout notre organisme qui tourne en surrégime pour rien. Autant de ressources consommées, qui nous affaiblissent et font dramatiquement chuter notre immunité.
« Ce qui est certain, c'est que la peur est mauvaise conseillère. Ne cédons pas à la peur. » - Elisabeth Badinter
Le cerveau reptilien est le cerveau que nous partageons avec les animaux. Les animaux ont une capacité de raisonnement limitée et sont capables de tuer pour survivre, sont capables de manger leurs petits, et autres cruautés. Ce qui nous distinguent des animaux est le volume et la capacité de notre cerveau cognitif, dans lequel siège notre humanitude.
Notre cerveau est composé de 3 zones *:
Le cerveau reptilien est le plus ancien Il assure les fonctions vitales de l’organisme en contrôlant, la fréquence cardiaque, la respiration, la température corporelle, l’équilibre, … Il a tendance à être plutôt rigide et compulsif.
Le cerveau limbique est apparu avec les premiers mammifères. Il est capable de mémoriser les situations agréables ou désagréables : il est le siège des émotions chez l’humain et les animaux. L’amygdale est logée dans le cerveau limbique.
Le néo-cortex, qui comme son nom l’indique est nouveau, donc le plus récent. Il se développe chez les primates et prédomine chez l’humain. C’est ici que s’opèrent le langage, la pensée, l’imagination. Le néocortex est souple et a des capacités d’apprentissage pratiquement infinies.
Si je souhaite agir digne d’un être humain éveillé, je ne dois pas décider et agir piloté par la peur.
* Source : https://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_05/d_05_cr/d_05_cr_her/d_05_cr_her.html