Émotions: mode d'emploi

Les éclaireurs de notre chemin

03 Mars 2018

Les émotions nous dérangent. « Ne pleure pas ! », « Calme-toi… ». Enfant, on a souvent été élevé dans le sens de la bienséance en faisant de nous des enfants sages et obéissants. Cette éducation se fait souvent, pour notre bien, au détriment de l’expression de nos émotions. Adulte, nous nous rendons compte à quel point nous sommes mal à l’aise face aux émotions : qu’il est difficile de supporter de voir un enfant ou une personne pleurer, déroutant d’être confronté à la colère d’un autre.

Les émotions sont indispensables à la vie. Elles nuancent notre langage. Prenons l’exemple d’un sms. On a tous vécu des quiproquos plus ou moins conséquents à cause d’un sms mal interprété. Pourquoi est-il si difficile de sa faire comprendre par sms ? Parce que, d’une part, il faut faire court en termes de nombre de signes, et d’autres parts, il n’y a aucunes émotions dans ce genre de communication… C’est d’ailleurs pour cela que les émoticônes ont été inventés : pour nuancer le contenu du sms. Emoticône est un mot valise qui contient émotion et icône : tout est dit ! 

Point de communication efficace sans émotions!

L’émotion est l’énergie dans laquelle on est. Émotion vient du latin « emovere » qui signifie "mettre en mouvement". L’émotion est donc le carburant de la vie. Selon que nous carburons à la joie, à la tristesse, à la colère, à la surprise, au dégoût, à la peur, nous n’avançons pas de la même manière. L’émotion teinte notre relation à la vie. La peur nous place dans une posture de protection, la colère nous incite à lever les insatisfactions, la tristesse nous invite au repli, à l’introspection, tandis que la joie nous dynamise. Chaque émotion apporte sa dose d’énergie et sa réaction qui permet de réguler notre équilibre psychique et physique : pleurer, hurler, transpirer, trembler,  etc. 

On le comprend facilement, ne pas (savoir) accueillir ses émotions, ne pas les laisser s’exprimer, c’est contenir voire bafouer une partie de Soi

« Le sentiment de Soi repose sur la conscience de ses émotions propres : je suis celui que je me sens être. » Isabelle Filliozat, auteur  de « Au cœur des émotions de l’enfant ».

Une émotion contenue, c’est une dose d’énergie qu’on empêche de sortir. Or, refouler une émotion ne signifie pas qu’elle disparaît. Elle est simplement mise de côté, stockée. Or, nous l’avons vu, par nature, l’émotion est mouvement. Les émotions bloquées, niées, ou refoulées empêchent l'évolution et, énergies qu'elles sont, elles nous sauteront tôt ou tard à la figure.

« La vie s’ingénie à nous mettre systématiquement dans les mêmes situations jusqu’à ce que, enfin, nous acceptions de ressentir ce que nous avons besoin de ressentir. En acceptant de nous laisser traverser par cette charge énergétique, nous dénouons le paquet émotionnel qui était resté coincé quelques part dans le grand canevas de notre [être] » explique Franck Lopvet dans son livre « Un homme debout ».

On le comprend bien, une vie sans contact avec ses émotions, c’est une vie de zombie, de mort-vivant. D’ailleurs, en consultation en Rêve Éveillé, j’accueille souvent ce symbole : le zombie, le mort-vivant. C’est un être qui traverse la vie sans la ressentir. 

Les émotions sont les épices de notre vie, de notre individualité. Être coupé de ses émotions, soit par transmission culturelle ou éducationnelle, ou par conviction (« je refuse de mettre en colère », « je ne pleure pas devant les autres », …), c’est comme manger un plat de pâtes sans beurre, ni sel, ni sauce, ni autre épice. C'est fade, non?

Les émotions ne s’intellectualisent pas. Elles sont le pendant opposé du rationnel. Vivre une émotion, c’est simplement se laisser traverser par elle, sans forcément savoir d’où elle vient. « Le but n’est pas de faire disparaître l’émotion mais le refus qui la sous-tend ». propose le psychiatre Christophe Massin. Cette phase passe par l’acceptation. Accepter ce qui est là.

Je terminerais cet article avec la Pharmacopée n°53 du philosophe Alexandre Jollien, qui résume bien ce qu’est une émotion : « Un sage a dit que la vie émotionnelle était comme un fleuve.  Nous nous épuisons à vouloir l’endiguer, le bloquer quand il s’agit plutôt d’apprendre à nager. Le gros malentendu est de croire qu’une vie spirituelle nous épargne des émotions négatives et congédie pour de bon les tiraillements, les tourments, les hauts et les bas, alors que même le Dalaï Lama et les grands saints connaissent, à leur façon, de sacrés quarts d’heure. Cela me rassure, d’une certaine manière. Quand une émotion négative se pointe, je sais qu’elle ne va pas durer. Même si c’est un mauvais moment ou carrément un vilain jour, j’ai confiance et je connais la règle du jeu, cette loi universelle qui veut que tout passe. Aussi, (…) voici un bon outil : regarder passer les vagues, tranquillement, sans me laisser submerger par elles. Dans la vie de chaque être humain, il y a des vagues. Dans l’esprit du Dalaï Lama, dans celui de l’Abbé Pierre, il y a eu des vagues. Une vie sans vagues n’est sans doute pas possible et le tout est peut-être d’apprendre à nager dans les vagues de l’âme. »

Article inspiré de l’article « Nos émotions, des clés pour cheminer » par Claire Eggermont de la revue « Inexploré » n°37