Charge mentale

Nos petits arrangements pour ne pas contribuer...

19 Juin 2022

Illustration Emma Clit.

Cet article est inspiré du travail d’Emma Clit, auteure de BD qui a contribué à la popularisation du concept de charge mentale. 


Nos petites stratégies et arrangements (et celles des conjoints et des enfants…) pour échapper de contribuer aux tâches collectives du foyer et ne pas prendre notre part de charge mentale :

Si je traîne à descendre mon linge sale, il a tendance à finir par descendre tout seul jusqu’à la machine à laver, donc pour quelles raisons je m’enquiquinerais à le faire moi-même ? 

Parfois, je ne dis pas clairement que je ne veux pas contribuer au maintien de la propreté du lieu de vie mais je vais mettre en place des stratégies retors pour ne rien faire. 

Une des stratégies les plus utilisées est la RESISTANCE PASSIVE : je promets de faire une tâche mais je tarde tellement à m’y mettre que l’autre est usé et fait la tâche avant moi par dépit (Yeeees ! )… et je le nargue de ma mauvaise foi par un « Beh pourquoi tu le fais?... J’allais le faire ! Et après tu dis que je ne fais rien...»

Une autre technique consiste à faire les tâches mais avec MAUVAISE HUMEUR. J’accepte de ranger le désordre que j’ai mis dans la pièce de vie mais avec tellement de brutalité, de bruits (claquer les portes, taper les pieds au sol, taper dans les murs avec l’aspirateur…), et d’invectives («saloperie d’aspirateur », « bordel de sac »…) que je vais, par mon attitude, mettre l’autre dans une situation inconfortable pour à nouveau l’user, et faire en sorte qu’il préfère la prochaine fois ranger lui-même mon désordre plutôt que de supporter mon attitude malaisante.

Dans d’autres situations je peux choisir l’INCOMPETENCE STRATEGIQUE. Il s’agit de saboter une tâche pour s’assurer qu’on ne me demandera plus de la faire. Stratégie largement utilisée concernant la préparation des repas ! Je vais mal faire : trop gras (alors que je sais que l’autre fait attention à son alimentation), trop cuit (alors que je sais que l’autre aime saignant), trop salé, trop épicé, recette trop improbable… pour dégoûter l’autre de ma cuisine, de sorte à ce qu’il prenne lui-même la décision de me dispenser de la préparation des repas. Je peux étendre ma stratégie en amont en bâclant aussi les courses : je ramène les mauvaises choses ou si je ne trouve pas un produit, je ne cherche pas une solution de remplacement… Si l’autre doit me faire une liste ultra précise avec le type de produit, la marque, la contenance, les options en cas de manque, il préférera rapidement faire les courses lui-même. Bingo ! 

Le DEFAUT D’AUTONOMIE consiste à solliciter tellement l’autre pour faire une tâche qu'en terme de temps et de charge mentale, c’est comme si il la faisait. « OK, je gère la commande du drive ! ». Je m’installe dans le canapé avec mon ordi sur les genoux et " Chéééééééri ! Il faut des cornichons ?.... ", une minute plus tard "On les prend comment les cornichons? Aigre-doux ou normal ?", puis " Chéééééééri, on a encore des tablettes lave-vaisselle ? ", puis " Mon coeuuuuuuuuur, tu veux manger quoi demain ? " Bref, l’autre est tellement sollicité qu’il prend le commandement de la mission, et c’est donc comme si il le faisait lui-même, mais en moins confortable. Donc, il y a de fortes chances que la prochaine fois, il préférera le faire lui-même à sa convenance. Re-Yeeees !

Je peux aussi parfois faire de l’EXCES DE ZELE. Quand on me demande de couper les tomates pour faire une sauce, je vais les couper avec application et minutie pour que chaque morceau ait strictement la même taille. Ça va me prendre un temps fou et surtout bien agacer l’autre qui, pendant ce temps, épluche et émince les oignons, l’ail, le persil, vide le poisson, épluche les pommes de terre, met la table, etc…. Pas de doute que la prochaine fois, on ne me demandera pas ! 

Si ces stratégies ne sont pas toujours conscientes, elles ont surtout vocation à me maintenir dans une situation confortable et insouciante où je ne fais que les choses qui m’intéressent et m’enthousiasment (un peu comme chez pôpa et môman…). Toutefois, ce peut aussi être délibéré et conscient chez certaines personnes qui estiment que c’est à l’autre de faire. En tout état de cause, en cas de déséquilibre de la répartition de la charge mentale, il est important de le faire remarquer si on veut se donner une chance d’évoluer vers un mode de vie plus équitable et harmonieux pour chacun. 

Il est important que chacun (adultes et enfants du foyer) fasse la liste de ce qu’il sait ou peut apprendre à faire et qu’il en prenne la responsabilité en fonction de son âge. Ainsi on répartit les tâches du foyer de manière équitable en fonction du temps dont on dispose et de nos compétences et chacun peut avoir la satisfaction de contribuer à l'harmonie du foyer.