Acceptons la Mort !

Pour vivre vraiment...

13 Avril 2020

Nous avons beaucoup trop l’habitude de passer notre vie à éviter de penser à la Mort… échéance pourtant inévitable pour chacun d’entre nous.

Que les choses soient claires : la vie est une maladie mortelle...

La Mort et la Vie sont les 2 faces d’une même médaille. On ne peut pas les voir en même temps, et, pourtant il est impossible d’avoir l’une sans l’autre. 

Donc tant que nous refuserons la Mort, nous n’aurons pas accès à la Vie, juste à un ersatz de vie…

L’Homme dans sa toute-puissance magnifique a une lacune: il se refuse à accepter la Mort. Il dépense beaucoup d'énergie à la défier, à la maudire, à la détester, à la faire reculer, à vouloir l’éviter. Il aurait même parfois des velléités d'immortalité...

En 2020, la Mort est un sujet Tabou.

Combien de parents préfèrent expliquer la Mort à leur enfant en parlant d’un gros dodo parce que Papy était très fatigué..., ou encore d’un voyage dans le ciel ou vers les étoiles… ? La Mort ce n’est pas ça. En agissant ainsi, le parent va mettre l'enfant sur des fausses pistes. En effet, un enfant comprend tout au 1er degré, il n'a pas le sens de la poésie ou de la métaphore. Par conséquent, avec ce genre d'explication, il pourra surtout développer des troubles du sommeil parce qu'il comprendra que dormir est dangereux: Papy  ne se réveille pas... Ou développer une phobie de l'avion de crainte de percuter les défunts dans le ciel... Avec ce genre de réponses pseudo-angéliques, le parent prétend protéger l'enfant. En fait, il se protège surtout lui-même, en évitant le sujet de la Mort. Il entretient le tabou de la Mort: en ne la nommant pas, elle n'existe pas. Or c'est en expliquant, avec des mots adaptés à son jeune âge et dès 3 ans, ce qu'est la Mort à un enfant qu'on l’immunise contre la peur de la Mort. Il est nécessaire de lui expliquer très tôt que la Mort est inhérente à la Vie. Ainsi on lui permettra de vivre pleinement sa vie en prenant conscience à son rythme de sa finitude. Lorsqu'on parle de la Mort à un enfant, il est indispensable d'être CONCRET et d'utiliser des mots simples.

Vivre consiste-t-il à éviter la Mort ? 

Si c’est le cas, ce n’est pas vivre, puisque vivre et mourir ne font qu’un !

Imaginez que vous soyez invité à une partie de hand-ball et que vous ayez peur du ballon. Allez-vous vous amuser et participer pleinement au jeu ? La réponse est NON, vous allez juste être stressé, angoissé et utiliser votre énergie et votre créativité pour vous tenir à distance de la balle et l’éviter… Vous ne développerez aucune stratégie de jeu.

Imaginez que vous soyez invité à Vivre et que vous ayez peur de la Mort. Allez-vous pouvoir vous amuser et participer pleinement au jeu de la Vie ? La réponse est NON, pour la même raison que précédemment...

Accepter la Mort ne signifie pas être d’accord avec elle quand elle fauche un enfant de 5 ans, 

Accepter la Mort ne signifie pas l’applaudir quand elle emporte notre meilleur ami, soudainement dans un accident, 

Accepter la Mort ne signifie pas se réjouir quand elle frappe notre compagne d’une maladie foudroyante. 

Non.

Accepter la Mort c’est agréer cette règle du jeu non négociable : la Mort est imprévisible, irréversible et surtout inexorable, d’autant plus qu’on avance dans l’âge… même si cela ne nous arrange pas et peut nous rendre triste et nous mettre en colère.

Pour permettre l’acceptation de la Mort, il est indispensable de s’intéresser à elle et de ne plus en avoir peur. La Mort est inévitable, donc il est préférable de l’accepter, de reconnaître qu'elle est. Parler de la mort, c’est la dé-diaboliser et mettre de la pensée, de la lumière là où il n’y a que du noir, de la terreur et du chaos.

On a peur que de ce qu’on ne connait pas. Pour se libérer de la peur de la Mort, il est indispensable de se tourner vers elle, et de se poser LA question fondamentale existentielle : 

«Quel est le sens de la Vie ? » Sens veut dire signification mais aussi direction. Si la direction de la vie est la Mort, quelle en est la signification ?

« Par exemple, lorsque nous observons le ciel nocturne, nous pouvons laisser notre esprit essayer d’appréhender l’espace infini et notre petite planète perdu dans cette obscurité. Nous pouvons rencontrer le Sublime en songeant à l’origine de la vie sur Terre, aux milliards d’années qu’il a fallu, peut-être à un moment particulier, et à quel point c’était improbable si on considère les milliers de facteurs qui convergèrent pour que l’expérience de la vie démarre sur cette planète. » propose Robert Greene dans « Les Lois de la Nature Humaine ».

A titre plus individuel, nous sommes invités à réfléchir sur la congruence des paramètres, des événements et des contextes qui ont permis la rencontre de nos parents, mais aussi celles de nos aïeux, et bien plus en amont encore la bifurcation dans l’arbre généalogique de nos ascendants primates.

Quand on se penche sur ce genre de questionnement existentiel, la bonne nouvelle est qu’il y a pratiquement autant de réponses que d’individus... Et, comme à « L’école des fans », il n’y a que des bonnes réponses, pourvu que les réponses fassent sens à celui qui se les pose. Quand nous cherchons et trouvons nos réponses intimes et personnelles à ces questions, nous trouvons aussi un véritablement apaisement par rapport à la Mort et à notre finitude.

La théologie, la philosophie, la spiritualité, le développement personnel sont autant de chemins qui permettent de chercher et trouver nos réponses… Mais ce ne sont pas les seuls. De plus en plus de médecins et scientifiques s’intéressent à la Mort sous le prisme de la science Et de la spiritualité, c'est le cas en France des docteurs Fauré, Charbonier et Chambon, par exemple.

Ceux qui esquivent, et qui répondent qu’après la vie, c’est rideau, qu'il n’y a rien, sont ceux qui n’ont ni pris le temps, ni fait l’effort d’y penser, engoncés dans leur fantasme et certitudes de toute-puissance. Colosses aux pieds d’argiles, ce sont surtout des superstitieux qui s'imaginent qu’en ne regardant pas du côté de la Mort, ils ne l’attireront pas à eux et sont protégés d'elle. Mais en paraphrasant la citation de Jean Jacques Rousseau, la superstition est à la spiritualité ce que Fleury-Michon est à la gastronomie…

Notre finitude, tout comme notre vulnérabilité, est le propre de notre condition d’être humain. « La Mort n’est pas un échec ! » rappelait encore il y a quelques jours André Comte-Sponville. La Mort est une étape inexorable dans le cycle de la vie. En la reconnaissant en tant que telle, nous pouvons saisir à quel point la vie est courte et fragile, et que par conséquent nous devons lui accorder toute l’importance qu’elle mérite et lui donner les honneurs digne de sa préciosité. Paradoxalement, c’est donc en nous connectant à la réalité de la Mort que nous pouvons intensément nous incarner et accéder à une forme de plénitude de vivre en développant une saine notion d’urgence quant à la réalisation de nos projets. Or en déniant la Mort, nous faisons exactement l’inverse.

« Il est incertain où la mort nous attende, attendons-la partout. La préméditation de la Mort est préméditation de la Liberté. Qui a appris à mourir, a désappris à servir. Le Savoir-Mourir nous affranchit de toute sujétion et contrainte. » - Montaigne au XVIème siècle.

Bibliographie :

« Les Lois de la Nature Humaine » - Robert Greene

« Aurevoir blaireau » - Susan Varley (pour les enfants de 5 à 8 ans)