Refuser de consulter un psy
ou ne pas se considérer digne d'être aidé
« En cherchant bien, on trouve la réponse en Soi… ça sert à rien d’aller chez le psy pour s’écouter parler, c’est une perte de temps et d’argent. » entend-t-on parfois. En effet, nous ne sommes pas tous égaux face aux épreuves. Si certains semblent parvenir à traverser les épreuves sans accompagnement psycho-thérapeutique, le refus obstiné de consulter n’est lui pas signe de force morale… Ce serait même bien plutôt le contraire…
Depuis les années 80, nous évoluons dans une société qui valorise la performance. Il faut être en forme, bronzé toute l’année, épanoui, avoir un super job, une belle situation, une famille harmonieuse et de beaux enfants… et tout cela « en se faisant tout seul ». Cette société est le fruit de notre culture latine, peut-être même un chouia machiste, où demander de l’aide est considéré pour la plupart des hommes comme une sorte de capitulation honteuse, contraire aux idéaux volontaristes d’autonomie et d’indépendance. Vous avez bien remarqué qu’en voiture un homme s’autorisera rarement à demander sa route à un autochtone… Alors qu’une femme demandera son chemin avec décontraction à un passant. Donc refuser de se faire aider serait typiquement masculin… ou serait une manifestation du côté masculin de notre personnalité.
D’ailleurs, cet état de fait se vérifié en cabinet : les hommes représentent moins du tiers de la patientèle des psys. Les femmes sont plus enclines à reconnaître être « perdues » ou à reconnaître leur souffrance ou plus simplement leur besoin d’aide. Ce qui ne veut pas dire qu’elles ont plus de problème, mais qu’elles ont plus de facilité à admettre leurs limites.
Si le refus de se faire aider par un psy est perçu par certains comme une source d’économie, ce refus de se faire épauler est généralement coûteux psychiquement. « Passer son temps à essayer de sauver les apparences se paye cher en énergie. Bien plus que de baisser la garde et appeler au secours. » commente Serge Ginger, thérapeute. C’est comme voyager sur un bateau qui prend l’eau doucement : pendant qu’on écope, on ne profite pas du voyage, on ne se repose pas vraiment, on est en hyper vigilance et on ne profite de rien, on s’épuise juste.... doucement.
L’incapacité à laisser paraître ses failles témoigne d’une fragilité narcissique. En effet demander de l’aide présuppose d’être capable de sortir de son isolement d’une part et de considérer être digne d’être soutenu et aimé. C’est donc une démarche qui nécessite un minimum d’estime de Soi. Refuser de demander de l’aide revient à se condamner soi-même à l’incurabilité, à l’indignité d’aller mieux… « Rien ne pourra y faire de toutes façons… »
Une telle blessure narcissique trouve souvent ses racines dans l’enfance, à cause de carences affectives souvent difficiles à réparer. Elles ont enraciné dans le sujet la conviction que rien ni personne ne pourra le sauver, de la même manière que pendant l’enfance personne n’a su le protéger comme il aurait eu besoin d’être protégé. Du coup, même les paroles incitatives et les conseils bienveillants des proches sont perçus par le sujet comme des agressions, du harcèlement. Ce qui donne du grain à moudre au petit moulin du sujet « Pas étonnant que j’aille mal avec la pression que vous me mettez… De toutes façons, la vie c’est comme ça !» En voulant l’aider, on ne fait que donner des arguments supplémentaires au sujet et le conforter dans l’idée que « personne ne le comprend et que personne ne peut rien pour lui ».